Dans une grande rétrospective, la Tate Modern présente actuellement plus de 150 œuvres de Joan Miró. L'occasion de découvrir l'œuvre du peintre surréaliste sous un angle nouveau, les commissaires d'exposition mettant l'accent sur son engagement politique.
La Tate Modern présente jusqu'au 11 septembre prochain Joan Miró : The Ladder of Escape (L'Echelle de l'évasion). L'exposition regroupe plus de 150 tableaux, œuvres sur papier et sculptures en provenance de collections du monde entier. C'est la plus grande rétrospective Miró en Angleterre depuis la dernière exposition organisée par Roland Penrose à la Tate en 1964.
Une œuvre revisitée sous le prisme de l'engagement politique
L'exposition tire son titre d'une toile de 1940, L'Echelle de l'évasion, un leitmotiv trouvé tout au long de la carrière de Miró dans des oeuvres comme Chien aboyant à la lune, 1926 ou Femme fuyant l'incendie, 1939. Figure incontournable du surréalisme, l'artiste est bien connu pour son imagerie fantastique et l'intensité de ses couleurs. Miró a développé une véritable cosmologie personnelle faite d'étoiles ébréchées, de spirales, d'œil ou de nez flottant en s'appuyant sur un dessin d'une simplicité enfantine mais néanmoins parsemé d'allusions sexuelles. Mais, au delà de sa consécration de peintre du surréalisme, la Tate explore ici le contexte élargi de son travail, soulignant son engagement politique et examinant l'influence de son identité catalane, la Guerre Civile espagnole ainsi que la montée et le déclin du régime de Franco. Plus que sur l'exubérance et l'espièglerie des figures et des personnages imaginés par Miró, les commissaires d'exposition mettent l'accent sur l'anxiété qui traverse l'œuvre de l'artiste. Jalonnée de guerres et de crises internationales majeures, la carrière de Miró s'étale sur six décennies et révèle une rage et une violence surprenantes qui vont de pair avec celui qui déclarait vouloir assassiner la peinture.
De l'identité catalane à la Guerre Civile Espagnole
L'exposition s'ouvre sur les toiles de jeunesse de Miró qui révèlent son engagement et un attachement profond à la Catalogne. On y découvre sa célèbre toile La Ferme, 1921-22, peinte dans la propriété familiale de Mont-Roig et appartenant un temps à la collection d'Ernest Hemingway. L'identité catalane est explorée davantage dans la série Tête de paysan catalan, où les attributs du paysan catalan se dissolvent en d'étranges compositions oniriques. Son engagement lors de la Guerre Civile Espagnole est marqué, en 1937, par des œuvres telles que Aidez l'Espagne, ou encore Le Faucheur, décoration murale de plus de cinq mètres de haut. Peinte dans la cage d'escalier du Pavillon de l'Espagne Républicaine lors de l'Exposition Internationale de Paris, elle a aujourd'hui disparu mais quelques photos en témoignent. Toujours en 1937, dans Nature morte au vieux soulier, une de ses œuvres maîtresses avec La Ferme, selon Miró, le rendu dramatique d'objets de la vie de tous les jours par un traitement hallucinant de la couleur et de l'espace rend compte de la folie et la violence de ces temps troubles.
De la seconde guerre mondiale à la fin de sa vie
Miró semble s'être replié sur son monde intérieur lors de l'élaboration de sa série des Constellations commencée à Varengeville en Normandie en 1940 et finie en Espagne, où il se réfugie après l'invasion allemande de la France. Quatre séries de triptyques aux formats monumentaux créées dans les années 1960 mêlent quiétude et engagement politique. Le triptyque Bleu I, II, III avec ses lignes ondulées et ses gouttes noires, réminiscences d'une vie cellulaire élargie, transmet un sentiment de sérénité et d'intime quiétude. Le triptyque L'Espoir du condamné à mort, 1973, est lui une condamnation du régime de Franco. Alors âgé de plus de 70 ans, Miró réussit à transcrire le mouvement de révolte de la fin des années 1960 avec des oeuvres comme Mai 1968, Toile brûlée I, II, III, IV, V, 1973, où il met le feu à ses tableaux, ou encore Feux d'artifice I, II, III, où la peinture projetée directement sur la toile traduit la violence du geste.
Joan Miró est né à Barcelone en 1893. A partir de 1921, il se rend régulièrement à Paris et devient une figure clef du surréalisme. Il reste en France pendant la Guerre Civile Espagnole mais rentre à Mont-Roig en 1941 suite à l’invasion allemande. Après plusieurs années à Barcelone, il s'installe en 1956 à Majorque, où il décède en 1983.
Nadège Druzkowski
Tate Modern
Du 14 avril au 11 septembre
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